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Entrevue avec Barney Williams Jr., aîné et survivant des pensionnats

La Journée du chandail orange reconnaît l’impact des pensionnats indiens au Canada ainsi que les séquelles qu’ils ont laissées. Ayant lieu le 30 septembre, elle nous donne l’occasion de rendre hommage aux survivants des pensionnats et à leur famille, ainsi que de nous engager à nous réconcilier.

À BMO, nous croyons que les entreprises canadiennes ont la responsabilité d’offrir de la formation sur les enjeux et les expériences autochtones, et nous avons ce rôle à cœur. Pour souligner la Journée du chandail orange de cette année, nous avons l’honneur de vous raconter, dans ses propres mots, l’histoire de Barney Williams Jr., aîné et survivant des pensionnats.

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Barney Williams Jr. est membre de la Première nation Tla-o-qui-aht. Aîné et survivant des pensionnats, il a été membre du Comité des survivants des pensionnats indiens de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Aîné Barney a évolué au sein du gouvernement fédéral pendant 21 ans comme travailleur social. Il est également thérapeute clinique agréé et a travaillé dans des centres de traitement des dépendances. Il a consacré sa vie au soutien à la santé et au bien-être des Autochtones partout au Canada. Il a également été gardien traditionnel de la plage pendant 60 ans pour la Première nation Tla-o-qui-aht.

Voici un résumé de notre entretien avec lui.

À quoi ressemblait votre vie avant d’aller au pensionnat?

J’habitais dans une maison où régnaient beaucoup d’amour et de sollicitude. Je tire un grand nombre d’excellents enseignements de mon enfance, et je suis le produit de ce que mes grands-parents m’ont inculqué. Il ne se passe pas une journée sans que je pense à eux et à la façon merveilleuse dont ils nous ont élevés et aimés. J’ai transmis ce qu’ils m’ont appris tout au long de ma vie, tant dans ma propre famille que dans mon travail.

Ma grand-mère m’a appris à faire preuve d’humilité et d’intégrité, à être fier de ma culture et de qui je suis, et à ne jamais essayer d’être quelqu’un que je ne suis pas.

Pourriez-vous me parler de votre expérience des pensionnats?

J’ai passé 13 ans au pensionnat. J’y suis entré à l’âge de cinq ans et demi, en 1945. L’école se trouvait à un peu plus de trois kilomètres de chez moi, sur l’île de Meares.

Quand je suis arrivé à cette école, je ne parlais pas anglais et on m’a puni pour ça – nous goûtions à la ceinture ou aux coups. On pouvait aussi nous mettre un bloc de bois dans la bouche et nous laisser ainsi pendant huit heures. On ne pouvait ni boire ni manger. Il y a eu des corrections et des agressions sexuelles. J’ai été victime de violence physique, sexuelle et émotionnelle.

Nous sommes entrés dans ces écoles en croyant en nous-mêmes et en notre culture. Nous étions heureux. Une fois là-bas, on a dit à tous les enfants que nous étions stupides et que nous n’arriverions jamais à rien. Nous sommes donc tout sortis de là avec un énorme manque de confiance. Quand on nous répète la même chose, encore et encore, on finit par y croire.

J’y suis resté pendant huit ans, puis j’ai fréquenté l’école secondaire de Kamloops. Quand j’en suis sorti, j’étais profondément perturbé. J’ai dû travailler sur ces aspects la plus grande partie de ma vie. Au départ, je ne comprenais pas ce qui n’allait pas chez moi. Il m’a fallu beaucoup de temps pour réaliser que je souffrais d’un trouble de stress post-traumatique. J’ai commencé à avoir des dépendances. Puis à l’âge de 26 ans – contrairement à beaucoup d’autres moins chanceux – j’ai arrêté de boire. Je célèbre cette année 54 ans de sobriété.

Pourquoi accorder autant d’importance à la vérité et à la réconciliation?

Le pouvoir consiste à faire connaître la vérité. Grâce à la Commission, les gens ont compris qu’il s’était réellement passé quelque chose, qu’il y avait un sombre chapitre dans l’histoire du Canada. Nous voulions que les gens sachent que nous disions la vérité et que nous ne cherchions pas à nous faire prendre en pitié. Ça a permis à beaucoup de gens de comprendre la réelle gravité de la situation.

C’est aussi important, car ça a permis à de nombreux survivants d’en parler et de se défaire de cette sombre histoire afin d’essayer de mener une vie normale. Tant de familles ont été brisées, il y avait tellement de dépendances – il fallait que les gens guérissent. Je veux que les gens comprennent qu’un grand nombre des problèmes sociaux avec lesquels nous sommes aux prises dans les réserves découlent de cette période difficile. Il reste encore beaucoup à faire, et je ne sais pas si ce sera terminé de mon vivant.

J’ai siégé au comité consultatif. Nous étions dix. Nous avons tenu des rassemblements à l’échelle nationale à l’échelle du pays; nous avons organisé un cercle et les survivants ont raconté leurs histoires. Il y a eu des moments incroyables. Y participer et rencontrer toutes ces personnes qui avaient vécu la même expérience a donné un sens à tout ça et nous a réconfortés.

Ça a ouvert les yeux de beaucoup de gens, qui se sont rendu compte que cela s’était réellement produit. Je crois qu’il y a beaucoup plus de soutien aujourd’hui qu’auparavant. Certaines personnes ne nous aimeront jamais. D’un autre côté, beaucoup d’autres changent d’attitude lorsqu’elles sont mieux informées.

Vous avez consacré le travail de votre vie à la santé et au bien-être des Autochtones. Pourquoi avoir choisi cette voie?

J’ai longtemps été en thérapie et j’ai pu comprendre que nous avons tous vécu un traumatisme, ce que nous avons pour la plupart réprimé. Enfoui sous les dépendances. Nous avions l’impression que quelque chose chez nous ne tournait pas rond. Une fois ces leçons apprises, j’ai voulu les communiquer à d’autres et leur transmettre un message d’espoir.

Que voulez-vous que ceux qui en ont plus à apprendre retiennent de votre discours?

J’espère que le pays continuera de repenser à ce qui s’est passé. J’espère que nous continuerons à l’étudier. Que nous continuerons de soutenir les survivants, d’écouter leur histoire. Que nous continuerons à sensibiliser les gens.

Prenez mon histoire : J’ai travaillé fort toute ma vie et je ne suis pas seul. J’ai une famille extraordinaire, une belle vie, et j’ai contribué à ma collectivité. On ne partage pas assez souvent ce type d’histoires. On nous parle seulement de ce qui cloche dans nos collectivités. Je veux qu’on communique davantage de belles histoires. De nombreux aînés et leaders travaillent très fort pour changer les choses.

Parlez-moi un peu de votre vie maintenant.

J’aurai 81 ans la semaine prochaine. J’en suis à un point de ma vie où je suis très heureux. J’ai une femme, des enfants et des petits-enfants magnifiques. Je suis vraiment heureux que mes enfants n’aient pas eu à vivre ce que j’ai vécu et qu’ils aient l’occasion de devenir ce qu’ils veulent. Je suis reconnaissant qu’on m’ait donné la vie. Et j’ai essayé, dans le cadre de mon travail, de transmettre un message d’espoir aux autres.

Renseignez-vous sur le conseil consultatif pour les communautés autochtones de BMO et nos autres programmes pour les communautés autochtones, et apprenez-en plus sur notre engagement à l’égard de la diversité et de l’inclusion grâce à notre stratégie L’inclusion sans obstacles.

 

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